mardi 1 mars 2011

Ben Ali : Qui était le contre pouvoir ?

Ben Ali a fui. Des voix continuent de demander le départ des appendices de l'ancien régime. C'est on ne peut plus légitime, du moment qu'on se met d'accord sur la désignation de ces appendices.

Un pouvoir, n'existe jamais sans contre-pouvoir. C'est nécessaire pour qu'un équilibre puisse perdurer. 23 ans de silence, ne sont pas un hasard, mais nécessairement la conséquence de complicités. Le contre pouvoir qui "freinait" l'appétit de Ben Ali est donc, toujours là. Et c'est l'appendice de l'ancien régime. Beaucoup pensent que c'est le gouvernement. Je ne le pense pas.

Le gouvernement du temps de Ben Ali était un instrument comme beaucoup d'autres. Le gouvernement n'avait aucun moyen de s'opposer à la volonté de Ben Ali, et pour le gouvernement, en termes de stratégie, la seule position intelligente était la soumission. Pour un ministre, s'opposer à Ben Ali, était comme une démission. Profiter des largesses de Ben Ali était donc la seule orientation intelligente à adopter. Il y a certainement dans les gouvernements successifs, beaucoup de corrompus, de pourris, de personnes qui se sont enrichies sur le dos du peuple. Je ne les cautionne pas. Je les comprends. Dans le clan des complices, ce ne sont pas les pires.

Ceux qui auraient dû s'opposer, c'est déjà l'opposition : les partis. Dans cette catégorie, on a les partis de façade et les partis interdits. Les partis de façade vivaient sous perfusions. En gros, leurs seules ressources, étaient ce que Ben Ali, voulait bien leur donner, dans le cadre de la participation à la promotion de la pluralité politique. Ils se devaient donc d'être dociles, pour exister. Et ils n'avaient pas les reins assez solides pour s'opposer. Leur complicité est flagrante, condamnable, mais compréhensible. Je ne pense pas que beaucoup auraient agis différemment. Le moins qu'on puisse dire du système du bâton et de la carotte, est qu'il fonctionne dans les pays tel que le notre.

Les partis interdits, on été coupés de leurs bases. On les a castrés et muselés ne leur laissant de la sorte, que la capacité, depuis l'exile, d'aboyer. "Le chien aboie, la caravane passe". Au mieux, ni opposants ni complices, ce n'est pas là non plus le contre-pouvoir au pouvoir de Ben Ali.

Il y a ensuite les "intellectuels". C'est une grosse partie de ce qu'on appelle "la société civile". C'est les associations de médecins, d'avocats, de magistrats, de diplômes des grandes écoles, des ingénieurs,... Ces groupuscules étaient exclusifs. Si tu n'est pas avocat, tu ne peux pas faire partie d'une association d'avocats. Ca limite l'assise populaire, et par voie de conséquence, la force de frappe, le pouvoir de négociation et d'opposition. Quand on a à faire à plus fort que soi, une sage position et d'être d'accord. Pour certains, cet accord a été instrumentalisé par la peur, pour d'autres par l'argent. Ils ont été complices, ne serait-ce que par leur silences, mais, dans un sens, ils n'avaient pas vraiment le choix de faire autrement. Je ne les cautionne pas, je les comprends

En dernier lieux, il devrait y avoir en toute logique les syndicats. Dans la catégorie syndicats, il y a deux principales forces : l'UTICA et l'UGTT.
L'UTICA est le syndicat des patrons. A sa tête, il y a eu depuis 1987 Hédi Djilani, dont la fille Zohra est l'épouse de Belhassen Trabelsi. Une autre de ses filles est l'épouse de Sofiane Ben Ali, fils de Moncef Ben Ali. Hédi Djilani est aussi, depuis 1989 membre du comité central du RCD et de la chambre des députés. Mettez un tel profil dans le pays le plus démocratique du monde. Est ce que vous pensez sérieusement qu'il peut être un opposant, ou ne serait-ce que développer une idéologie d'opposition ? On ne peut même pas l'accuser de complicité. Et puis, s'il est à la tête de l'UTICA, c'est que l'UTICA, et donc tous les patrons, y a un intérêt. Qui mieux que lui aurait pu défendre les intérêts des patrons en Tunisie contre une dérive de la surimposition ? Pour autant, les salariés du privés, en Tunisie, n'ont à ce jour pas fait de sit-in pour demander des contractualisations ou des augmentations. Cet homme, pouvait faire de tous les salariés des esclaves, surtout que, pour les salariés du secteur privé en Tunisie, l'affiliation syndicale n'est pas de mise, si tant est, qu'on suppose que besoin il y a. J'ai donc du mal à considérer que l'UTICA aurait été, ou pu être, un contre-pouvoir au régime de Ben Ali.

Dernier et non des moindres, l'UGTT. Déjà, ce qui est bien avec l'UGTT, c'est que du temps de Bourguiba, ils pouvaient mettre le feu au pays pour obtenir ce qu'ils voulaient. Ils ont souffert, mais n'ont jamais été contraint à se taire. Aussi, dans les entreprises publiques, comme dans toutes les administrations, l'affiliation à l'UGTT est quasi automatique. C'est la fameuse légitimité historique de l'UGTT. 517 000 membres (Chiffre UGTT) à 12 dinars/an ça fait déjà 6 millions de dinars. Ce n'est pas beaucoup, diront certains. C'est beaucoup plus que tous les partis d'opposition réunis.
L'UGTT, avec cette force de frappe, financière et humaine, a obtenu plusieurs acquis pour ses affiliés. Parmi ces acquis, on a par exemple, les cours particuliers que continuent à faire les instituteurs et les professeurs du secondaire en dépit d'une loi promulguée et qui les interdit. L'UGTT négocie aussi toutes les conventions collectives en vigueur dans ce pays, qu'elles touchent les salariés du public ou du privé.

Aussi, ceux qui travaillent dans les entreprises publiques, savent qu'il y a toujours, 2 personnes intouchables dans ces entreprises : M. RCD et M. UGTT. Ces personnes sont plus fortes que le PDG et peuvent le faire virer, et personne ne peut les contrarier. Or, c'est dans ces mêmes entreprises "publiques" qu'on a observé :
- Les dépassements des droits des travailleurs par rapport à la contractualisation des intérimaires/stagiaires et des injustices salariales,
- Les emplois fictifs pour des salariés invisibles et intouchables très généreusement payés,
- Les détournements de fonds et les abus de biens sociaux et de pouvoir,
- Les summums du népotisme et du favoritisme,

J'ai du mal à imaginer un M. UGTT ignorant de ce genre de dépassements dans son entreprise. J'ai aussi du mal, à voir, dans ces dépassements une philosophie de lutte syndicale. J'ai surtout du mal, à concevoir que l'UGTT a été incapable de lutter, de s'opposer et de dénoncer ce genre de pratiques, si on décide de croire qu'elle lutte exclusivement dans l'intérêt des travailleurs tunisiens.

A mon avis, si l'UGTT a choisi d'accepter de telles dérives, il faut surtout comprendre qu'elle a surtout choisi d'en profiter, gracieusement, pour ne pas dire, à les instaurer. C'est débattable et je ne porte pas d'accusations. Mais si ça devait être vrai, elle a donc, tout intérêt à défendre ses acquis et négocier son impunité. Soyons sincères : Si aujourd'hui tu reçois d'une entreprise où tu n'as jamais mis les pieds 1000 dinars chaque mois, tu ne voudrais surtout pas que ça cesse ! Si on commençait à défricher les dossier de corruptions et de malversations, tu ne voudrais surtout pas être poursuivi. Si en plus, comme beaucoup d'autres comme toi, tu es dans une organisation disposant des ressources nécessaire pour imposer ça, t'en priverais-tu ?

J'aurais été à la tête d'une telle organisation, mon réflexe aurait été de déstabiliser le pays jusqu'à ce qu'à ce qu'un gouvernement me promette continuité et impunité. On peut donc comprendre la position de l'UGTT de ne soutenir aucun gouvernement. On peut, dans la même logique, comprendre qu'une stratégie de l'UGTT puisse être de promouvoir l'anarchie, parce qu'on mettant le gouvernement sous pression, elle peut ainsi mieux négocier. Mais, ici, on comprends, et avec toute la vigueur du monde on condamne.

N'ayant pas les preuves nécessaires, je ne peux pas dire que c'est vrai. Ce ne sont que des hypothèses. Je constate juste, que de cette manière, beaucoup de choses s'expliquent. Ce n'est donc pas nécessairement faux, et tant qu'on n'a pas mieux, ça reste ce qui s'approche le plus de ce qu'on peut considérer comme vrai. C'est scientifique ;)

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