mercredi 9 mars 2011

Pourquoi je n'aime pas Ennahdha

Ennahdha, c'est, en essence, un parti politique islamique. On dit de plus en plus que c'est un parti politique prônant un Islam modéré, un AKP tunisien, c'est juste un discours de circonstance.

Déjà, dire un parti politique, suppose, une adhésion aux règles du jeu des partis politiques, ces règles fussent elles justes ou injustes, n'est pas la question. Dans un jeu, on respecte d'abord les règles pour jouer, et ensuite, quand il y a consensus, on peut changer ces règles. Or dans les règles du jeu des partis politiques, il est expressément écrit :
"Un parti politique ne peut s'appuyer fondamentalement dans ses principes, activités et programmes sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région".
Dans cette même loi organique n°88-32 du 03 mai 1988 apparaît également :
"Le parti politique agit dans le cadre du respect de la constitution et de la loi :
  1. a) il doit dans son activité respecter et défendre notamment :
    • l'identité arabo-musulmane;
    • les droits de l'homme tels que déterminés par la constitution et les conventions internationales ratifiées par la Tunisie.
    • les acquis de la nation et notamment la forme républicaine du régime et ses fondements, le principe de la souveraineté populaire telle qu'elle est organisée par la constitution et les principes organisant le statut personnel.
  2. b) il doit en outre :
    • bannir la violence sous toutes ses formes ainsi que le fanatisme, le racisme et toutes autres formes de discrimination;
    • s'abstenir de toute activité de nature à porter atteinte à la sécurité nationale, à l'ordre public et aux droits et libertés d'autrui;"
Au risque de paraître stupide, je ne vois pas ce qu'on peut reprocher à cette loi. Mais, comme je le disais, ce n'est pas là la question.

Que M. R. Ghannouchi soit un cheikh, ou un Imam ou un super Musulman, c'est son droit le plus strict, et personne ne trouvera rien à y redire. Par contre, dire qu'Ennahdha est un parti islamique, me pose un problème.

Parce que, en substance, ça signifie 2 choses :
  1. Que les autres partis ne le sont pas, ce qui est déjà très grave,
  2. Que Ennahdha est habilité, je ne saurai vous dire par quel miracle, à dire, qui est musulman, parti ou individu, et qui ne l'est pas,
La manigance, est une supercherie visant à faire croire, que si on est musulman, il faut être un partisan d'Ennhadha et non de n'importe qu'elle autre parti politique, non pas parce que, ce que nous (Ennahdha) avons un programme crédible, utile, ou d'intérêt général comme se doit de l'être le programme d'un parti politique, mais simplement parce que nous (Ennahdha) nous somme l'Islam. Si tu es contre nous, tu es pour les bordels, l'immoralité, l'adultère, l'alcool, le ribè,...et la liste ne finit pas. Et tu es soit avec nous, soit avec le Diable.

Force est de constater que ce discours opportuniste jouant sur les amalgames pour se positionner en sauveur de la nation et de l'identité est, au mieux, une petitesse, une manière de tricher, pour mettre la main, qui, au bénéfice du doute, n'est pas très propre, sur la politique de ce pays.

Mon Islam et moi, il n'y a que moi que ça regarde. Vous voulez faire de la politique, commencez par faire de la politique !

vendredi 4 mars 2011

Les élections : B A BA

Tout le monde sait, que quand il y a des élections, tout le monde vote, et puis celui qui a le plus de voix gagne. Ce n'est pas tout à fait ça.

En matière d'élections, il y a vote direct et vote indirect.

Dans un vote direct, on parle aussi de suffrage universel, tous les citoyens disposant du droit de vote, votent. Le droit de voter suppose :
  1. avoir atteint 18 ans,
  2. être libre de voter, et donc, ne pas être en prison ou purgeant une peine avec sursis (c'est entre autres le pourquoi de la loi d'amnistie générale),
  3. ne pas être dépourvu du droit de voter. C'est typiquement le cas de l'armée, les juges et les magistrats, eux, peuvent voter mais ne peuvent pas adhérer à un parti,

Dans un vote indirect, ce ne sont pas les citoyens qui votent, mais des élus les représentant. Pour les lois, par exemple, les députés votent au nom du peuple.

Pour gagner une élection, il faut disposer de beaucoup de voix, d'une majorité. Ici aussi, plusieurs cas de figure sont possibles : Il y a la majorité relative, la majorité qualifiée et la majorité proportionnelle.

Dans la majorité relative, celui qui a le plus de voix gagne, peut importe, si c'est 99% des voix ou si c'est 10% des voix. Cette majorité est calculée par rapport au nombre de votants et non pas au nombre d'électeurs, même si, dans certains cas, on mentionne le nombre d'abstentions.

Dans la majorité qualifiée, on fixe un seuil. Très souvent c'est 50% ou 2/3. Ça signifie, que pour remporter de telles élections il faut atteindre ce seuil. C'est pourquoi, pour ce genre d'élections on a souvent un 1er tour et un 2ème tour entre uniquement 2 candidats. Les élections présidentielles en Tunisie, fonctionnent, en théorie, selon ce principe.

Dans la majorité proportionnelle, on passe par ce qu'on appelle des listes. Les électeurs ne votent pas pour un candidat, mais pour une liste de candidats, dont le nombre est égal au nombre de mandats cibles. Après le décompte, chaque liste, disposera de la même proportion de mandats, que la proportion de voix récoltées. Si, par exemple, les élections portent sur 20 sièges de députés pour Tunis, le parti qui a 50% des voix, disposera de 10 sièges. Sur la liste de 20 initialement candidate, ces 20, se réuniront pour élire, entre eux, les 10 qui prendront les 10 sièges. Les partis ayant moins de 5% des voix, devront former des coalitions pour pouvoir disposer d'assez de voix pour pouvoir prétendre à un siège.

Pour des élections, il y a aussi une étendue géographique, une circonscription. Quand on élit des députés à Sousse, les citoyens de Sfax ne participent pas. Même quand on élit un président on parle de circonscriptions électorales. Ces circonscriptions on d'abord un rôle logistique : on compte plus facilement des paquets de quelques milliers de voix que toutes les voix en même temps. Dans certains cas, ces circonscriptions ont aussi un rôle de synthèse. C'est par exemple les cas des élections présidentielles aux Etats-Unis, où, il passent par ce qu'ils appellent "Les grands électeurs" qui accordent au 2ème tour des élections présidentielles l'intégralité des voix d'un état au candidat ayant le plus de voix dans cet état.

mardi 1 mars 2011

Ben Ali : Qui était le contre pouvoir ?

Ben Ali a fui. Des voix continuent de demander le départ des appendices de l'ancien régime. C'est on ne peut plus légitime, du moment qu'on se met d'accord sur la désignation de ces appendices.

Un pouvoir, n'existe jamais sans contre-pouvoir. C'est nécessaire pour qu'un équilibre puisse perdurer. 23 ans de silence, ne sont pas un hasard, mais nécessairement la conséquence de complicités. Le contre pouvoir qui "freinait" l'appétit de Ben Ali est donc, toujours là. Et c'est l'appendice de l'ancien régime. Beaucoup pensent que c'est le gouvernement. Je ne le pense pas.

Le gouvernement du temps de Ben Ali était un instrument comme beaucoup d'autres. Le gouvernement n'avait aucun moyen de s'opposer à la volonté de Ben Ali, et pour le gouvernement, en termes de stratégie, la seule position intelligente était la soumission. Pour un ministre, s'opposer à Ben Ali, était comme une démission. Profiter des largesses de Ben Ali était donc la seule orientation intelligente à adopter. Il y a certainement dans les gouvernements successifs, beaucoup de corrompus, de pourris, de personnes qui se sont enrichies sur le dos du peuple. Je ne les cautionne pas. Je les comprends. Dans le clan des complices, ce ne sont pas les pires.

Ceux qui auraient dû s'opposer, c'est déjà l'opposition : les partis. Dans cette catégorie, on a les partis de façade et les partis interdits. Les partis de façade vivaient sous perfusions. En gros, leurs seules ressources, étaient ce que Ben Ali, voulait bien leur donner, dans le cadre de la participation à la promotion de la pluralité politique. Ils se devaient donc d'être dociles, pour exister. Et ils n'avaient pas les reins assez solides pour s'opposer. Leur complicité est flagrante, condamnable, mais compréhensible. Je ne pense pas que beaucoup auraient agis différemment. Le moins qu'on puisse dire du système du bâton et de la carotte, est qu'il fonctionne dans les pays tel que le notre.

Les partis interdits, on été coupés de leurs bases. On les a castrés et muselés ne leur laissant de la sorte, que la capacité, depuis l'exile, d'aboyer. "Le chien aboie, la caravane passe". Au mieux, ni opposants ni complices, ce n'est pas là non plus le contre-pouvoir au pouvoir de Ben Ali.

Il y a ensuite les "intellectuels". C'est une grosse partie de ce qu'on appelle "la société civile". C'est les associations de médecins, d'avocats, de magistrats, de diplômes des grandes écoles, des ingénieurs,... Ces groupuscules étaient exclusifs. Si tu n'est pas avocat, tu ne peux pas faire partie d'une association d'avocats. Ca limite l'assise populaire, et par voie de conséquence, la force de frappe, le pouvoir de négociation et d'opposition. Quand on a à faire à plus fort que soi, une sage position et d'être d'accord. Pour certains, cet accord a été instrumentalisé par la peur, pour d'autres par l'argent. Ils ont été complices, ne serait-ce que par leur silences, mais, dans un sens, ils n'avaient pas vraiment le choix de faire autrement. Je ne les cautionne pas, je les comprends

En dernier lieux, il devrait y avoir en toute logique les syndicats. Dans la catégorie syndicats, il y a deux principales forces : l'UTICA et l'UGTT.
L'UTICA est le syndicat des patrons. A sa tête, il y a eu depuis 1987 Hédi Djilani, dont la fille Zohra est l'épouse de Belhassen Trabelsi. Une autre de ses filles est l'épouse de Sofiane Ben Ali, fils de Moncef Ben Ali. Hédi Djilani est aussi, depuis 1989 membre du comité central du RCD et de la chambre des députés. Mettez un tel profil dans le pays le plus démocratique du monde. Est ce que vous pensez sérieusement qu'il peut être un opposant, ou ne serait-ce que développer une idéologie d'opposition ? On ne peut même pas l'accuser de complicité. Et puis, s'il est à la tête de l'UTICA, c'est que l'UTICA, et donc tous les patrons, y a un intérêt. Qui mieux que lui aurait pu défendre les intérêts des patrons en Tunisie contre une dérive de la surimposition ? Pour autant, les salariés du privés, en Tunisie, n'ont à ce jour pas fait de sit-in pour demander des contractualisations ou des augmentations. Cet homme, pouvait faire de tous les salariés des esclaves, surtout que, pour les salariés du secteur privé en Tunisie, l'affiliation syndicale n'est pas de mise, si tant est, qu'on suppose que besoin il y a. J'ai donc du mal à considérer que l'UTICA aurait été, ou pu être, un contre-pouvoir au régime de Ben Ali.

Dernier et non des moindres, l'UGTT. Déjà, ce qui est bien avec l'UGTT, c'est que du temps de Bourguiba, ils pouvaient mettre le feu au pays pour obtenir ce qu'ils voulaient. Ils ont souffert, mais n'ont jamais été contraint à se taire. Aussi, dans les entreprises publiques, comme dans toutes les administrations, l'affiliation à l'UGTT est quasi automatique. C'est la fameuse légitimité historique de l'UGTT. 517 000 membres (Chiffre UGTT) à 12 dinars/an ça fait déjà 6 millions de dinars. Ce n'est pas beaucoup, diront certains. C'est beaucoup plus que tous les partis d'opposition réunis.
L'UGTT, avec cette force de frappe, financière et humaine, a obtenu plusieurs acquis pour ses affiliés. Parmi ces acquis, on a par exemple, les cours particuliers que continuent à faire les instituteurs et les professeurs du secondaire en dépit d'une loi promulguée et qui les interdit. L'UGTT négocie aussi toutes les conventions collectives en vigueur dans ce pays, qu'elles touchent les salariés du public ou du privé.

Aussi, ceux qui travaillent dans les entreprises publiques, savent qu'il y a toujours, 2 personnes intouchables dans ces entreprises : M. RCD et M. UGTT. Ces personnes sont plus fortes que le PDG et peuvent le faire virer, et personne ne peut les contrarier. Or, c'est dans ces mêmes entreprises "publiques" qu'on a observé :
- Les dépassements des droits des travailleurs par rapport à la contractualisation des intérimaires/stagiaires et des injustices salariales,
- Les emplois fictifs pour des salariés invisibles et intouchables très généreusement payés,
- Les détournements de fonds et les abus de biens sociaux et de pouvoir,
- Les summums du népotisme et du favoritisme,

J'ai du mal à imaginer un M. UGTT ignorant de ce genre de dépassements dans son entreprise. J'ai aussi du mal, à voir, dans ces dépassements une philosophie de lutte syndicale. J'ai surtout du mal, à concevoir que l'UGTT a été incapable de lutter, de s'opposer et de dénoncer ce genre de pratiques, si on décide de croire qu'elle lutte exclusivement dans l'intérêt des travailleurs tunisiens.

A mon avis, si l'UGTT a choisi d'accepter de telles dérives, il faut surtout comprendre qu'elle a surtout choisi d'en profiter, gracieusement, pour ne pas dire, à les instaurer. C'est débattable et je ne porte pas d'accusations. Mais si ça devait être vrai, elle a donc, tout intérêt à défendre ses acquis et négocier son impunité. Soyons sincères : Si aujourd'hui tu reçois d'une entreprise où tu n'as jamais mis les pieds 1000 dinars chaque mois, tu ne voudrais surtout pas que ça cesse ! Si on commençait à défricher les dossier de corruptions et de malversations, tu ne voudrais surtout pas être poursuivi. Si en plus, comme beaucoup d'autres comme toi, tu es dans une organisation disposant des ressources nécessaire pour imposer ça, t'en priverais-tu ?

J'aurais été à la tête d'une telle organisation, mon réflexe aurait été de déstabiliser le pays jusqu'à ce qu'à ce qu'un gouvernement me promette continuité et impunité. On peut donc comprendre la position de l'UGTT de ne soutenir aucun gouvernement. On peut, dans la même logique, comprendre qu'une stratégie de l'UGTT puisse être de promouvoir l'anarchie, parce qu'on mettant le gouvernement sous pression, elle peut ainsi mieux négocier. Mais, ici, on comprends, et avec toute la vigueur du monde on condamne.

N'ayant pas les preuves nécessaires, je ne peux pas dire que c'est vrai. Ce ne sont que des hypothèses. Je constate juste, que de cette manière, beaucoup de choses s'expliquent. Ce n'est donc pas nécessairement faux, et tant qu'on n'a pas mieux, ça reste ce qui s'approche le plus de ce qu'on peut considérer comme vrai. C'est scientifique ;)