mardi 22 février 2011

Le curseur de la laïcité

Dit simplement, la laïcité, c'est la séparation entre l'état et la religion, pour que, chaque citoyen soit libre de sa croyance, et donc du degré de cette croyance. Le degré de cette séparation est différent dans chaque pays, notamment pour des raisons historiques.

En France, par exemple, la 1er article de la constitution définit :
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elleassure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

Le gouvernement n'a pas, par exemple, un ministère des affaires religieuses. Par contre, le président de la république française est, en vertu de cette même constitution chanoine, ce qui, dit simplement, signifie qu'il est attaché au service d'une église. Toujours, dans cette même laïcité, le port de signes ostentatoires d'appartenance religieuse est interdit par la loi. Ce qui permet d'interdire le port du voile, mais n'interdit pas, le port du crucifix ou de la croix gammée en pendentif.

Les états unis sont aussi un pays laïque. Les billets sont estampés d'un "In God we trust". Georges W. Bush terminait toutes ses allocutions par un "God bless America" quand il menait une lutte du bien contre le diable "Evil". Il n'en demeure pas moins, que des religions telle que la scientologie, ou des populations comme les mormons, sont parfaitement libres de l'exercice de leur religion, de sa promotion et du recrutement de nouveaux adeptes.
La laïcité, c'est en fin de compte, un curseur que chaque pays positionne à une position qui lui est propre.

Le cas de la Tunisie est particulièrement intéressant. Comme pays laïque, notre constitution stipule que la religion de la république est l'Islam, que le président est nécessairement musulman. Notre gouvernement inclut un ministère des affaires religieuses qui finance et encadre les imams. Nous avons aussi des maisons closes. Le commerce de l'alcool est, pour le moins, florissant. Et certaines de nos lois sont en complète contradiction avec l'Islam, par exemple, pour ce qui est du droit de la fille unique d'hériter tout le patrimoine de ses parents. La même constitution écrit :
La république tunisienne garantit l'inviolabilité de la personne humaine et la liberté de conscience, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu'il ne trouble pas l'ordre public.
On y retrouve aussi :
Un parti politique ne peut s'appuyer fondamentalement dans ses principes, objectifs, activité ou programme sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région.
Nous avons cette laïcité en héritage depuis 1956. Nous pouvons néanmoins la remettre en question. On peut soit aller vers une plus grande tolérance, soit vers radicalisation plus prononcée.

Dans le sens de la tolérance, on peut considérer le cas des tunisiens de confession juive. Ils naissent en Tunisie, de pères et de mères tunisiens, y vivent, mais un tunisien de confession juive ne peut pas devenir président parce qu'il n'est pas musulman. On peut aussi penser que sans budget pour la religion, certaines mosquées devront fermer, que l'argent des contribuables ne sponsorisera pas le pèlerinage des musulmans. Certains pourront même rêver que les maisons closes à la Mme Claude remplaceront les Abdallah Gueche & Cie,...

Dans le sens de la radicalisation, on peut imaginer 4 épouses, plus d'alcool, la résolution de toutes les problématiques de l'emploi par l'interdiction du travail des femmes, l'expulsion des tunisiens de confession juifs et la redistribution de leurs avoirs, l'obligation du port du voile, le pélerinage gratuit...

Ce qui est sûr, c'est que dans l'un ou l'autre cas, ce ne sont pas la partisans obscurantistes qui manquent. Ce qui est sûr, aussi, c'est que pour remettre en perspective le curseur de notre laïcité, le moment est mal choisi. Simplement, parce que rajouter cette considération au spectre de nos réflexions, ne fait que diluer l'attention que nous porterions sur des sujets autrement plus urgents : emploi, pauvreté, abus de pouvoir, corruption. Nous avons besoins d'une nouvelle vision pour un pays qui n'aspire qu'à renaître, mais où on ne continue qu'à courir derrière nos propres démons.

Dans une démocratie on a le droit et on peut parler de tout. Dans une situation d'urgence, on commence par les priorités. On peut torturer la laïcité, doper le parlement, s’asseoir sur les droits de la Femme, rebaptiser nos rues,... On peut même changer la couleur du drapeau, le nom de la capitale, l'adresse du ministère de l'intérieur, partir en guerre contre Kaddafi, insulter des diplomates... Ce ne sont pas les batailles qui manquent. A tout entreprendre en même temps, on finira par ne rien voir aboutir.

Qu'est ce qui selon toi est le plus urgent ?

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